
Le groupe Emeis (ex-Orpea), géant des maisons de repos en Belgique, a annoncé en novembre 2024 la suppression de 150 emplois, la vente de 5 établissements (3 en Wallonie, 2 en Flandre) et la fermeture de 2 résidences services.
Cette décision, justifiée par des impératifs financiers, provoque la colère des syndicats et soulève des inquiétudes sur la sécurité des résidents, déjà fragilisée par des années de pénurie de personnel et de gestion contestée.
Les annonces chocs d’Emeis : licenciements et fermetures en cascade
Lors d’un conseil d’entreprise extraordinaire tenu le 19 novembre 2024, la direction d’Emeis a dévoilé un plan de restructuration drastique incluant :
- 150 licenciements, principalement en Wallonie et à Bruxelles.
- La vente de 5 maisons de repos (dont 3 en Région wallonne).
- La fermeture de 2 résidences services en Flandre.
Ces mesures s’inscrivent dans un plan Renault visant à réduire les coûts, malgré un chiffre d’affaires en hausse de 9% sur le premier semestre 2024 et un déficit réduit des deux tiers. Olivier Van Houtte, patron d’Emeis Belgique, justifie cette décision par la nécessité de rendre chaque établissement « viable financièrement », critiquant des dépenses de personnel dépassant les subventions publiques.
Colère des syndicats et préavis de grève : « La direction joue avec la vie des résidents »
Un secteur déjà en crise
Les travailleurs du groupe Emeis, épuisés par des années de pandémie, du scandale Orpea (2022) et des fermetures d’établissements en 2023, dénoncent une décision « irresponsable ». Fabien Boucquéau, secrétaire syndical CNE, résume :
« Après le Covid, le scandale Orpea et 10 fermetures en 2023, on pensait pouvoir souffler. La direction nous inflige un nouveau coup de massue. »
Sécurité des résidents en péril
Avec un manque criant de personnel, les maisons de repos fonctionnent déjà en mode « survie ». Une aide-soignante anonyme témoigne :
« Certains jours, on est deux pour 40 résidents. Comment vérifier les chutes, distribuer les médicaments, rassurer les familles ? Les nouvelles coupes vont aggraver cette situation. »
Les syndicats soulignent que 35 000 manifestants du secteur non marchand ont défilé à Bruxelles en novembre 2024 pour réclamer de meilleures conditions, sans succès face aux décisions d’Emeis.
Analyse des causes : profit vs qualité des soins
Les chiffres qui interrogent
Indicateur | Donnée 2024 |
---|---|
Chiffre d’affaires | 2,7 milliards d’€ (S1) |
Déficit | Réduit de 66% |
Maisons de repos en Belgique | 51 établissements |
Résidences services | 17 structures |
Malgré ces performances, Emeis invoque des dépenses excessives en personnel (115% des normes subsidiées) et la nécessité de satisfaire ses actionnaires. Rachida Ait Alouha, députée PTB et ex-syndicaliste, dénonce :
« Le groupe fait des bénéfices sur le dos des aînés et licencie ceux qui les soignent. C’est immoral. »
La logique du « plan Renault » décryptée
Le plan Renault, procédure belge de licenciement collectif, permet à Emeis de contourner les négociations syndicales. Germain Mugemangango (PTB) fustige :
« Au lieu de puiser dans les 2,7 milliards de chiffre d’affaires, Emeis préfère sacrifier des emplois et mettre en danger les résidents. »
Conséquences pour les résidents et leurs familles
Un avenir incertain
La fermeture des établissements force les résidents à se reloger, souvent dans l’urgence. Un fils de résidente à Liège raconte :
« Ma mère, Alzheimer, a dû quitter sa maison de repos en 2023. Le stress l’a hospitalisée. Aujourd’hui, on craint un nouveau déménagement. »
Qualité des soins en chute libre
Avec moins de personnel, les risques augmentent :
- Erreurs médicamenteuses.
- Retards dans les soins d’hygiène.
- Isolement accru des résidents.
Réactions politiques et mobilisations
Le silence du ministre Coppieters
Interpellé au Parlement wallon, le ministre de la Santé Yves Coppieters (Les Engagés) a éludé les questions sur la protection des travailleurs, se contentant de mentionner le « respect des normes ». Les syndicats exigent son intervention pour :
- Bloquer les fermetures.
- Garantir le financement public.
- Renforcer les effectifs.
Grèves et actions en justice
Un préavis de grève illimité a été déposé. Des actions en justice sont envisagées pour « mise en danger délibérée » des résidents, sur la base du code pénal belge.
Perspectives : quel avenir pour le secteur des maisons de repos ?
Vers un modèle plus éthique ?
Le PTB et les syndicats plaident pour une nationalisation partielle du secteur, à l’image du modèle public français. Rachida Ait Alouha argue :
« Seul un système non lucratif peut concilier qualité des soins et conditions de travail décentes. »
L’urgence de légiférer
Des propositions de loi visent à :
- Plafonner les profits des groupes privés.
- Renforcer les contrôles sur les normes d’encadrement.
- Conditionner les subventions au maintien des emplois.
Conclusion
Le scandale Emeis ex-Orpea révèle les dérives d’un modèle lucratif inadapté aux enjeux du grand âge. Alors que les travailleurs se mobilisent et que les résidents vivent dans l’angoisse, la Belgique doit choisir entre la rentabilité actionnariale et le droit à une fin de vie digne. L’issue de ce conflit pourrait redéfinir l’avenir des maisons de repos en Europe.
FAQ : questions clés sur le scandale Emeis
Pourquoi Emeis licencie-t-il malgré de bons résultats ?
La direction invoque une rigueur financière pour satisfaire les actionnaires, malgré des bénéfices records. Les syndicats dénoncent une logique purement lucrative.
Où iront les résidents des établissements fermés ?
Aucun plan clair n’a été communiqué. Les familles redoutent des transferts chaotiques vers des structures déjà saturées.
Comment soutenir les travailleurs et résidents ?
- Signer les pétitions syndicales.
- Participer aux manifestations.
- Interpeller les élus locaux.